Bernard Clavel s’en est allé au pays du plus long des hivers

(Cet article vient d’être illustré  grâce à l’aide de Miriam qui a elle-même subi une panne technique ne  permettant pas  de placer des images sur son blog. Un grand merci pour la suggestion du « glissé-colllé »! L’entraide entre blogueurs est réconfortante. Chez moi, pour l’instant, l’équipe technique du Monde.fr reste toujours techniquement impossible à joindre. Dom.A , qui a connaît les mêmes aléas, s’amuse de la situation insoluble et propose, sur le conseil de Zoé , de faire une manif!)

Bernard Clavel aimait l’hiver. Tous les hivers. Ceux d’hier, plus rigoureux. Ceux d’ici, au coeur du Jura et de la plaine bressane. Ceux d’ailleurs, au Canada, encore plus longs et plus blancs.

Il nous avait fait partager sa passion pour la saison hivernale dans un livre magnifique, au titre sans détour: « L’hiver ».

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Nous y voyagions à travers les photos qu’il avait prises tout au long de sa vie. Paysages saupoudrés de givre, neiges et froidures du pays natal, ville canadienne ensevelie, où la tempête vous égare et vous conduit à la rencontre de celle qui l’accompagnera désormais dans ses nombreux voyages, Josette Pratte

l’hiver. C’est la saison qui l’a rendu célèbre lorsque le prix Goncourt lui est attribué en 1968, pour son livre « Les fruits de l’hiver ».

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Quatrième tome du cycle autobiographique  de « La grande patience », (« La maison des autres, Celui qui voulait voir la mer », « La terre des vivants »), l’ouvrage est ainsi défini par son auteur:  » Il s’agit d’un roman, c’est-à-dire d’une matière vivante pétrie à la forme d’un moule… Cette histoire est celle d’un long crépuscule : celle d’une mère et d’un père qui achèvent de vivre sans bruit tandis que, dans le fracas des bombes, un monde meurt pour qu’un autre naisse. « 

Né en 1923, à Lons le Saunier, Bernard Clavel est un autodidacte. Trop souvent classé écrivain régionaliste, avec la connotation péjorative supposée à tort  véhiculée par l’expression, Clavel en inscrivant son écriture dans un terroir, traite de sujets universels. Eternel blessé de l’enfance, éternel apprenti des lettres,  Clavel nous lègue une oeuvre qui est sans cesse, commencement, recommencement.

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Humaniste fuyant le clinquant des décorations vaines, le brouhaha des  salons parisiens, Bernard Clavel  s’en est  allé hier, mardi 5 octobre 2O10, nous laissant orphelins. Pour retiré qu’il était, il nous manque déjà. Sa voix. Un jour je lui ai parlé. Au téléphone. C’est d’abord Josette Pratte qui a pris mon appel. Une histoire drôle que ce coup de téléphone! C’était il y a quelques années. j’avais envoyé mon manuscrit « Le boulanger de Chengdu », à la lecture de l’écrivain, quêtant un conseil pour le proposer à un éditeur. Or, Bernard Clavel avait un homonyme dans la région. J’avais envoyé mon manuscrit à l’homme qui portait le même nom que lui!! N’ayant aucune réponse au bout de quelques mois, j’ai osé téléphoner…L’autre Bernard Clavel a ri. « Si vous saviez le nombre de manuscrits qui arrive à mon adresse! Je les parcours toujours. Navrant, le plus souvent! Mais le vôtre, voyez-vous, était différent. Je ne manquerai pas d’aller acheter le livre losrqu’il sera édité. Mais ne vous inquiétez pas, je vous ai retourné votre envoi ».

Bien que  très réconfortée par cette critique inattendue de la part d’un faux Bernard Clavel,  je m’inquiétai de ne  jamais  recevoir mon manuscrit retourné.  Peut-être des postiers diligents avaient-ils rectifié mon erreur? De ce fait, j’ai enquêté et trouvé le numéro de téléphone du vrai Bernard Clavel ! (Merci à mon ami libraire!). J’ai osé à nouveau appeler l’écrivain. Je pourrais écrire un roman sur ces minutes où la voix, ma voix, pénètre dans l’univers de Clavel. Ce que j’en imagine. C’était un matin d’hiver, bien sûr. Du givre sur les arbres. Y a-t-il du givre aussi sur le arbres de son jardin? La voix tranquille de Josette Pratte. « Je vais vous le passer ».  Ma voix qui rencontre sa voix à lui. Tout aussi tranquille que celle de son épouse. Il rit. Non, il n’a pas reçu mon manuscrit. Il s’excuse. « je suis retiré de tout », dit-i.l Je ne lis plus de manuscrit ». Mais il me pose des questions. Il me demande le thème de mon livre. Nous bavardons. Le Jura, la Chine. Le voyage. Il me souhaite bonne chance…

13 commentaires sur “Bernard Clavel s’en est allé au pays du plus long des hivers

  1. Je déroge à ma toute nouvelle règle voulant que je ne mentionne plus un article traitant d’un sujet que j’avais traité ; oui, pour ce manque de réflexe d’ajouter un « Voir aussi » … Mais là, non pour l’auteur disparu, mais bien à cause de ces manquements au Monde constatés aussi ailleurs (blog au même endroit).

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  2. vous êtes peut être vicitime de la même panne que la mienne du mois de juin!comme vous m’aviez aidée alors je voudrais vous aider . je vais vous écrire en mail privé!
    Clavel m’a accompagnée à propos d’un voyage au Canada!

    Et l’énigme elle va revenir?

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  3. Quel silence dans les médias! Si je ne vous lisais je n’aurais rien su de la disparition de cet écrivain, pourtant célèbre et lu même si n’appartenant pas au cercle germanopratin. Bien à vous.

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  4. N’ayant rien lu de cet auteur, ou alors il y a longtemps, à l’époque où j’étais dans le bain, pour constater de visu que les autodidactes, dans le meilleur des cas, étaient vus comme des raconteurs parfois dangereux à cause de leur manque fondamental d’esprit critique, il m’est difficile d’en parler. En revanche j’imagine très bien votre émotion à son écoute !
    Pour ce qui est des problèmes rencontré sur la plateforme du monde.fr, que dire, aussi, puisque l’équipe semble se désintéresser de la question.
    Comme me le suggère Zoë, une manif ?
    Un voisin me prêtera son mégaphone, préparons nos slogans, les chansons et les banderoles ! Il nous faudrait au moins un troisième larron pour les saucisses grillées… ;-

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  5. Faut -il que l’écrivain meure pour que l’envie revienne de le revisiter ?Mes parents, leurs amis , des lecteurs pourtant occasionnels, tous ont aimé les premiers romans de Clavel qui leur parlaient de la dureté d’un apprentissage dans une région qu’ils connaissaient bien et dans ce contexte économique dans lequel eux-mêmes se débattaient . Lorsque l’écrivain » régionaliste » les a entrainés vers des contrées lointaines , ils l’ont suivi !

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  6. Vous êtes devenue un temps comme une boule de neige qu’un Clavel renvoyait à l’autre sans atteindre son but… L’histoire est belle, j’ai lu quelques-uns de ses livres, ils sentaient le bois brûlé dans la cheminée.

    Quant à la plateforme des blogs du monde.fr, elle est vraiment en très plate forme et sa gestion technique calamiteuse — problèmes avec l’affichage des commentaires, le téléchargement des photos, la notification des posts non mise à jour et invisible comme auparavant pour « les 30 derniers », etc. — est indigne d’un tel support de communication.

    On a pu parler du « Monde » papier comme d’un « navire amiral » : mais le MIA, comme ils disent (« Le Monde Interactif ») a déjà percuté, apparemment depuis quelques mois, un iceberg informatique sans que le capitaine, s’il y en avait un, soit resté à bord !

    Pourtant on nous avait annoncé, il y a environ un mois, une opération nocturne de « maintenance » destinée à augmenter les capacités de la plateforme de gestion : résultat, c’est encore pire qu’avant !

    Il y a pourtant un certain nombre d’informaticiens qui sont au chômage et qui ne demanderaient pas mieux que de mettre leurs compétences au service du monde.fr.

    Et ses blogueurs sont aussi des abonnés : si on veut qu’ils « émigrent » ailleurs, il n’y a qu’à continuer le bordel, ou pour rester dans l’actualité, la « maison close » !

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  7. @ Zoë : il y a une demi-page dans « Le Monde des livres » d’hier sur Bernard Clavel avec une très belle photo en noir et blanc d’Olivier Roller.

    Je ne pense pas que son décès soit passé inaperçu dans les médias car il était connu du grand public.

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  8. Une demi-page, c’est bien peu.
    Voilà un écrivain qui a refusé deux fois la légion d’honneur et a démissionné du jury du prix Goncourt. Crime de lèse intelligentsia parisienne s’il en est.
    Catalogué « écrivain régionaliste », lié à un terroir, l’universalité de ses thèmes, structuration de l’identité, intégration de l’étranger, rapport de l’homme à la nature, dureté des conditions d’apprentissage dans les milieux pauvres, est rarement soulignée.

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  9. Bravo pour ce billet qui rend hommage à un écrivain qui, s’il n’était pas dans le moule de l’intelligentsia parisienne, n’en était pas moins fort intéressant.

    Sans avoir des problèmes majeurs comme ceux de la publication des photos, je m’aperçois cependant que les commentaires des amis blogueurs ne s’affichent pas tout de suite. Ils me sont annoncés par courrier mais il faut parfois attendre pour qu’ils apparaissent dans mon blog. D’autre part, les modifications que je fais dans mes articles ne sont pas enregistrées. Alors, oui, d’accord pour la manif!
    Une question à Chantal : Et l’énigme? reprendra-t-elle?

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  10. j’arrive un peu tard… je découvre le beau témoignage de Chantal sur son contact avec cet écrivain prolifique et généreux.
    En ce qui concerne la plateforme du Monde, nous en sommes tous là, à déplorer. Qu’on ait des problèmes techniques encore… passe, mais qu’on nous traite avec un tel désintérêt, faut pas exagérer… Quand on demande des explications à l’équipe technique… on peut attendre longtemps la réponse. Il commence à y avoir des départs (Dominique H par exemple) et moi-même je me demande si….

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