LA TRANSPARENCE…IMPOSSIBLE, par Marie-France Friang-Cardelli

regard-interieur-r1.1172493648.jpg

Marie-France Friang-Cardelli a déjà une vocation de conteuse. Elle excelle à transposer d’une langue à l’autre, voire à mêler dans un même récit, le français et l’italien, toute la richesse des contes dits…pour enfants. Poursuivant le jeu d’écritures sur le thème « Cafés d’Europe, cafés du monde », et inaugurant déjà le thème à venir « Ces librairies qu’on aime », voici la nouvelle qu’elle nous propose aujourd’hui:

La transparence… impossible

Par Marie-France Friang-Cardelli

en hommage à A.SCHNITZLER

Des années ont passé…

Une femme sans âge, avance d’un pas ferme dans la ville déserte, un jour du mois d’août.

Elle aime ce calme de la sieste. Séville, Casablanca ou Turin se ressemblent dans la torpeur d’un début d’après-midi.

Elle se glisse dans l’obscurité d’un café, traverse la première salle, tapissée de velours rouge sombre. Divans et fauteuils cramoisis se fondent dans un décor baroque. Elle se dirige vers la pièce du fond, plus claire, aux tapisseries fleuries, fanées.

Elle pense rencontrer un visage ami, mais personne. Elle décide alors de s’installer dans le petit espace surnommé le wagon.

Encore plus rouge sombre que la première pièce.

Les miroirs reflètent son visage absent. Elle commande une glace au chocolat noir, spécialité de la maison de ce café de Turin.

Dans le wagon, elle imagine tous ces antifascistes assis à sa place pour refaire le monde.

Et pendant qu’elle savoure, elle écoute le silence, pose ses livres sur le guéridon, heureuse de ses trouvailles. Toujours le même plaisir. Avoir déniché le livre qu’elle cherchait.

Elle pense alors à la petite librairie du Quartier Latin où elle ne manque pas de se rendre lors de ses séjours à Paris. Une minuscule librairie avec un minuscule escalier en colimaçon. Elle sait qu’elle peut trouver ce qu’elle cherche et découvrir des textes qui l’attendaient.

La libraire la comprend à demi-mot.

Et la femme sans âge ressort toujours de ce lieu d’un pas léger avec un sac bourré d’histoires.

Elle est toujours gagnée du même enthousiasme à ouvrir ses livres. Plaisir du papier. Plaisir du mot écrit. Elle tourne les pages avec respect. Ne plonge pas aussitôt dans l’histoire. Elle préfère flairer les premières phrases.

Aujourd’hui, c’est dans une librairie aux livres anciens qu’elle a fait des folies. Trouver une vieille édition est toujours un enchantement. Cette librairie-là, installée sous les arcades depuis plusieurs générations fait le bonheur de tous les Turinois si amateurs de livres.

Toute absorbée dans ses pensées, elle sursaute. Sent une main sur son épaule. Elle lève la tête. C’est une silhouettte d’homme. Et cet homme lui fait signe de le suivre.

Elle, si réservée d’ordinaire, se lève. Elle laisse son dû sur la petite table. L’homme la précède. Il active le pas. Se retourne brusquement.

Il lui lance un paquet et disparaît.

La femme hésite, prête à laisser tomber le paquet, puis l’attrape au vol..

C’est un paquet enveloppé d’un papier journal. Bien ficelé. Elle descend la rue. Tourne à gauche. Longe les jardins. S’assied le coeur battant: Et si c’était une bombe? Une lettre piégée ? Ou simplement une farce?

Délicatement, elle ouvre le paquet. Elle tombe sur une boîte en fer au couvercle perforé. Elle le soulève et voit une forme noire : c’est un chiot endormi. Il porte à son cou un collier jaune. Une lettre y est accrochée.

Le message est simple : « Rendez-vous, mardi 7, au pied du 7e arbre de l’allée qui méne à Villa Regina, à 7h du soir. »

Elle sourit à la bonne plaisanterie.

Le jour dit, elle s’y rend. Elle attend. Pas longtemps. Une vieille femme aux beaux cheveux blancs s’avance vers elle:

-Tu ne me connais pas. Mais moi je t’observe depuis longtemps. Ce chiot est pour toi. Il accompagnera ta solitude.

-Mais pourquoi moi?

-Parce que que tu sais interpreter les choses. Toi qui es une amie des livres, sache…que j’arrive de l’un d’entre eux.

Elle tourne le dos et repart à grands pas.

Le chiot lève la tête vers la femme sans âge et semble lui dire « alors, on y va? »

Voilà l’histoire d’une femme qui ne sait si c’est le dernier livre qu’elle vient d’ouvrir qui la fait sourire ou si sa glace au chocolat lui est restée sur l’estomac.

4 commentaires sur “LA TRANSPARENCE…IMPOSSIBLE, par Marie-France Friang-Cardelli

  1. Mystère, mystère..
    j´ai aimé cette histoire simple et un peu mélancolique, J´aime à imaginer tant d´autres histoires qui s´entrecoisent et qui sont subtilement suggérées à travers la rencontre de ces deux femmes.
    Merci Marie -France

    J’aime

  2. un autre mois d’Août ou le même ailleurs?

    A jeun perdue glacée
    Toute seule sans un sou
    Une fille de seize ans
    Immobile debout
    Place de la Concorde
    A midi le Quinze Août.

    La belle saison – Jacques Prévert

    J’aime

  3. Bonjour Marie France,

    Je me permets de t’écrire car je pense que nous avons été ensemble au lycée de jeunes filles de Casablanca que j’ai quitté en 1961 pour me marier !!! 🙂
    J’aimerais avoir de tes nouvelles.
    A très bientôt j’espère

    J’aime

  4. latefa comme je suis contente de te lire par hasard j’ai voulu relire un texte que j’ai écrit il y a quelques années et je crois que nous nous sommes parlé au téléphone mais je ne trouve plus ton numéro mon mari est décédé et j’habite à chieri à còté de turin mon no de téléphone ;011/55 32 532 le portable 338/610 74 19

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s