CAFES FIBONACCI(2) par Pilar Lluch, suite.

Cafés Fibonacci

 

 

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A cette heure-ci, Marc Lamour doit être installé au Procope à Paris. Je l´imagine rêveur, en train de sentir l´Arabica qui fume dans la petite tasse dorée. Chaque fois qu´il boit un bon café, il se remémore et nous impose la phrase du Ministre Talleyrand, qui, à Vienne, avait affirmé: Chaud comme l’enfer, noir comme le diable, pur comme un ange et doux comme l’amour. Il doit sourire, d´un sourire un peu triste et nerveux en savourant son espresso bien sucré. Marc Lamour, en fait, est inquiet. Ce soir le match sera un test important. Sa mission, son travail le remplissent d´une idée qui ne le quitte jamais: il faut sauver le football des fous et des violents, de la corruption et du dopage. Cette mission il y croit, bien sûr. Il a tout fait pour que les décrets de lois soient votés et que les règles soient respectées dans les stades. Mais il sait que les supporters de la tribune Boulogne, les Boulogne Boys du Stade des Princes, veulent en découdre à chaque rencontre. Alors Marc Lamour est inquiet. Marc Lamour m´attend. Nous nous rencontrons toujours quelques jours avant les grands matches. Notre amitié s´est tissée autour du même idéal sportif, de la beauté d´un match de foot, cette même recherche de l´émotion forte, incomparable, ce suspens et cette foule en liesse qui vibre, se lève comme une vague, chante, frémit de passion, de joie. Le public qui pleure qui hurle et qui se met en colère aussi, parfois. C´est cela qui nous rapproche. Avec grand intérêt il commence à regarder une par une les photos placées devant lui comme autant d´écrans déchiffrant les codes du football.

 

 

 

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En rentrant dans la salle du Café Procope où m´attend Marc Lamour, j´éprouve le petit pincement au cœur que mérite l´endroit. C´est très étrange mais ici je me sens un peu chez moi. Dans ce monde feutré, luxueux, je suis comme protégé par les esprits qui veillent sur ce lieu mythique. Lamour est là, à sa table habituelle. Derrière lui un mur entier est décoré de tableaux, de portraits hétéroclites des grands hommes des Lettres Françaises et de la Politique. Devant lui sur la table, se trouvent d´autres images. Il s´est entouré de reproductions de mes photos et des agrandissements. Il m´attend. Il est assis, les coudes appuyés sur la table. Il tient de sa main gauche un des derniers tirages. Je l’aperçois, penché sur la photo du dernier reportage que j´ai fait. C´est probablement celui qu´il préfère. Il s’agit du dernier match de l´Olympique de Lyon. Après l´accolade des retrouvailles commencent les commentaires sur les photos.

– Là, tu as réussi à attraper la ferveur de la foule, ces regards des supporters enivrés par le match.

– Regarde sur cette photo, ce groupe, une dizaine de personnes, une famille entière en train de crier de joie. Fabuleux !

– Ils sont heureux, n´est ce pas ?

– Oui, on dirait. Un but de leur équipe ça rend euphorique, c´est sûr.

– Tu vois ceux là, ces types cravatés, impeccables, à côté des hooligans déguisés, colorés et reconnaissables, ce sont parfois eux les « cadres » bien rangés qui sont les hooligans les plus féroces. Ils ne cherchent que la violence. Rien que cette violence sauvage, gratuite pour faire monter l´adrénaline. Regarde leurs expressions, leurs regards. Ils attendent, avec toute la haine du monde. Ils se cachent sous l´incognito du costume-cravate-lunettes-noires. Ils guettent le moment propice pour attaquer leurs proies. Ils sont vraiment dangereux, eux, parce qu´ils ne portent aucun signe extérieur de ce fanatisme. Ils se fondent dans la foule.

– Encore plus impressionnante est cette prise de l´avant-centre qui semble s´envoler. L´athlète est en plein effort. Les muscles, la peau brillante, cette ascension héroïque ! Ca c’est la beauté du vrai sport !

– Buenaventura, tu as du talent. Quand accepteras-tu ma proposition de faire une exposition ?

– Laisse moi réfléchir, ce métier, tu sais bien que je le fais plus comme un sportif frustré, bien sûr, que comme un photographe. Être exposé comme «artiste» ce n´est pas mon but. On verra plus tard.

Et puis comme par réflexe, je cadre Marc Lamour entouré de portraits et de photos qui saturent l´écran de mon viseur.

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