Quelques réflexions sur la nouvelle en tant que genre littéraire:
Paradoxalement, alors que les concours d’écriture proposent souvent la production de nouvelles, le genre n’est pas si facile. Nombre d’interrogations à ce sujet m’arrivent (hors blog).
A l’inverse, la spécificité du conte, récit au départ transmis oralement, propre à toutes les cultures, a depuis longtemps été mis à jour. L’observation de ses ingrédients est si précise qu’il est parfois possible de proposer des « recettes de fabrication », comme on peut le voir dans le site suivant http://www.cinemaodyssee.com/tonodyssee/42c_recette.html
La nouvelle : un récit court :
Rien de tel pour la nouvelle qui, elle, n’a de caractère prescriptif que par sa durée : Il s’agit d’un récit court. En général d’une à deux pages, jusqu’à 30 au maximum. Short Story, disent les Anglo-Saxons. C’est tout. Pour le reste, les avis divergent. Certains affirment que la nouvelle se caractérise par une chute finale, comme il est souvent d’usage dans les nouvelles policières. D’autres non. Certains encore parlent de tension jusqu’à un paroxysme permettant le dénouement inattendu. D’autres, au contraire, la veulent étale et lisse.
La nouvelle : un récit ambigu
En définitive, on retiendra de ce récit court qu’il permet l’entrée concise dans tel ou tel univers selon un angle de vue qui brusquement ou imperceptiblement peut varier. Il y a toujours une ambiguïté dans le déroulement de la nouvelle. (cf. plus bas le perroquet de Félicité).
La nouvelle et la captation du temps:
Chez Katherine Mansfield, par exemple, l’idée du temps « est unique et polyphonique aussi, explique Fabrice Hugo, le traducteur de « Prélude » et de « Sur la baie », deux nouvelles qui décrivent le passage du jour dans un jardin où se tient une famille. Parfum de noisette sur une charrette qui s’en va, rosée violette dans le matin tremblant, paumes étoilées d’enfants qui rêvent de «toujours», nuages qui passent, attentes de femmes: la prose allégorique de Katherine Mansfield réfracte la lumière comme aucune autre. Sur la moindre feuille, la moindre étoffe, la moindre parcelle de ciel. Comme autant de reflets de l’état de veille ou d’éveil de ces êtres saisis dans leur attente. »Article de Catherine Argan dans « Lire ». Novembre 1995.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Katherine_Mansfield
Flaubert, par contre, dans « Un cœur simple », ne s’attarde pas au temps immobile de l’instant vécu, il offre au lecteur dans ce récit court, le temps de toute une vie. La vie somme toute cohérente de Félicité, la servante, malgré la dureté de sa condition….jusqu’au jour où le perroquet auquel elle s’est attachée…disparaît. Alors rien ne sera plus comme avant. Les dernières pages de la nouvelle consomment la dissonance jusqu’à la rupture mentale et la mort.
http://perso.orange.fr/jb.guinot/pages/oeuvres8.html
Avec ce site, vous avez accès au texte intégral des « Trois contes » de Flaubert, titre (sur lequel on peut d’interroger) de l’ouvrage d’où est extraite la nouvelle « Un coeur simple ».
A écouter la lecture de Luchini (CD de France-Culture)
penser aussi à relire les nouvelles de Maupassant.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_de_Maupassant
La nouvelle : du rythme de la composition
Il semble que l’important pour celui qui écrit une nouvelle se situe dans la conscience très aiguë qu’il a de l’univers dans lequel il pénètre et qui sera donné à appréhender au lecteur. Et pour ce faire, pour l’écrire, s’il fallait ne donner qu’un seul conseil, ce serait celui de suggérer avec minutie, jusqu’à l’obsession, le cadre ou le personnage ou l’enchaînement événementiel, selon l’option d’ouverture, comme s’il s’agissait de faire vivre une photo à quelqu’un ne la voyant pas.
Puis se déroule la narration de « l’histoire » ou du moment de « l’histoire » à raconter. Enfin l’apparition du brusque ou de l’imperceptible changement de prise de vue intervient, amenant à la résolution de la nouvelle.
Tout est question de rythme. Et nous reparlerons un autre jour de cette notion.
Résumons : Un point focal, le corps de » l’événement », le glissement du point focal, le texte jusqu’au point final en forme de surprise, c’est-à-dire, la chute : voilà ce qui compose en général, l’ordinaire d’une nouvelle.
Pourquoi ne pas s’y tenir lorsqu’on débute et cherche des repères? Sachant, bien entendu, qu’en matière de créativité littéraire, la règle du genre peut générer son contraire ou sa transgression… A vous de jouer en toute liberté …..sous les dorures des cafés historiques ou accoudés au bar d’un estaminet de village ou encore dans l’une des tourelles du café Utopia, à 50 Km d’Auckland, sur la route du Nord, en Nouvelle Zélande….
CS.
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