C’est un très beau livre que le dernier ouvrage de Nancy Huston « Démons quotidiens », écrit à quatre mains avec l’artiste Ralph Patty dont les dessins accompagnent les textes.
Qui sont ces démons qui hantent nos vies ordinaires? Anges déchus habitant nos corps et nos esprits et que notre formatage initial judéo-chrétien nous a imposés, peurs profondes, névroses imprimées en nous par la grâce d’au moins sept des pêchés au poison létal ou démons venus d’ailleurs, empruntant la voix des médias qui nous entourent? …
La chute de Lucifer, illustration de Gustave Doré
« Evoquer ce qui fait le quotidien de ma vie, de nos vies à tous, tisser l’écheveau de l’intime et du politique, tel est le parti de ce livre » annonce Nancy Huston.
Pour chacun des textes très courts, un lavis de Ralph Patty établit des correspondances entre les mots et le regard. Parfois, assurent les deux auteurs, c’est l’inverse. Le peintre envoie un dessin à l’écrivain qui s’en inspire en puisant dans le quotidien: simple canard aux figues, coupe du monde, manifestations urbaines, Facebook, Noir Désir, grève des magistrats, assemblage de croquis en mots et en traits, un délice!
Dans la célèbre Salle Blanche de la librairie Kléber, Nancy Huston lit quelques uns de ses textes, de sa voix douce et expressive. L’ironie tendre est accentuée. Le présentateur tente une complicité emplie de bonhommie. « Nancy Huston, dans votre texte « Les bébés! Dans la rue », j’ai bien senti à quel point vous êtes révolutionnaire. Vous nous entraînez dans la rue… »
– Mais pas du tout! Absolument pas! s’insurge N. Huston de sa voix posée, toujours douce et calme. C’est l’inverse. Je suis contre ces excès. Les dernières images montrées sur les insurgés lybiens, mitraillettes aux poings, visages hirsutes, expressions fanatiques me font peur et m’indignent. D’une révolution à l’autre, c’est la même chose. Les mêmes visages violents. La révolution française n’y échappe pas. Non, je ne suis pas révolutionnaire.
Photo empruntée au site de l’Express
Puis, parlant du féminisme à propos duquel, l’animateur, toujours bonhomme, veut qu’elle endosse le rôle de porte-parole, N. Huston, à nouveau, réfute les propos.
– Quand j’écris, je ne suis pas féministe, et d’ailleurs je n’écris jamais avec des « ismes ». Quand on écrit, on est autre, au-delà de soi.
Bref, dépasser les a priori. Nancy Huston a une écriture précise et limpide, comme sa voix. Mais sous la structure de l’exercice maîtrisé de ce journal, passe force, beaucoup de force, que les mains d’écrivaine trahissent ou plutôt révèlent.
merci pour le lien qui m’a permis de découvrir le blog cosmopolite , article fort intéressant et bien illustré. Je suis toujours ravie quand on fait référence au féminisme qui n’est pas , comme de jeunes collègues peuvent le penser, passé de mode!
J’aimeJ’aime
Merci Chantal …
J’aimeJ’aime
oui, elle est chouette, Nancy. Parfois maladroite. Mais son article récent contre la prostitution, dans Libé, emporte définitivement la conviction.
J’aimeJ’aime
Merci Alain. Je vais de ce pas rechercher l’article que je n’ai pas lu.
J’aimeJ’aime
Nancy Huston est une de mes auteures préférées. Avez-vous lu son livre magnifique « Passions d’Annie Leclerc », où elle rend hommage à son amie disparue qui a toujours défendu une autre façon d’être féministe consistant à réhabiliter le regard féminin sur le monde plutôt que d’entrer en compétition avec les hommes dans un challenge sans intérêt et perdu d’avance
J’aimeJ’aime