Six heures du matin. Luang Prabang. Plein coeur du Laos.
Ce petit bonze , pieds nus, robe orange, sébile cachée sous un pan d’étoffe, avance parmi la longue cohorte de moines venus quêter leur nourriture du jour. Il a dix ans. Douze peut-être. Nous ne le saurons pas. Difficile de parler aux enfants bonze. En quelle langue? Celle de leur village?
Silhouette fugitive. Un petit bonze, pieds nus, dont nous ne saurons ni le nom, ni l’âge. Probablement descendu il y a quelques mois de la montagne environnante. Là où brûle la forêt, chaque année, juste avant l’arrivée des moussons. Alors la terre, lorsqu’elle se gorgera d’eau, enrichie des cendres encore fraîches sera fertile pendant trois ans. Il faudra ensuite recommencer, plus loin et encore plus loin. Brûler la forêt pour continuer à cultiver de quoi se nourrir. Il en est ainsi depuis la nuit des temps. Et qu’importe les fumées lourdes que les nuages d’avant mousson enferment sous leur couvercle, asphyxiant, au creux de sa cuvette, la petite ville de Luang Prabang, détruisant peu à peu, l’immense couverture forestière .
Le petit moine avance, tendant furtivement sa sébile au geste des donateurs. Quelques boulettes de riz gluant. Les habitants de Luang Prabang vénèrent leurs moines. Leur offrande est sacrée qui augure la qualité du jour. Boulanger, hôtelier, simple chauffeur de tuk-tuk, touriste de passage, chacun s’agenouille et tend l’obole collante. Les autres prennent des photos…
Dans le village du petit garçon, il n’y avait probablement pas d’école. Sa famille est fière de l’avoir confié à la protection d’un temple (qu’on appelle ici pagode). Il y recevra une éducation. Apprendra à lire, à compter, l’anglais et l’enseignement de Bouddha bien sûr. Comme dans les plus célèbres édifices religieux d’Occident, comme les murs de la basilique d’Assise, par exemple, les temples sont couverts d’images saisissantes. Très colorées. Très suggestives. C’est le moins qu’on puisse dire!
Si le petit moine s’imprègne ainsi de la vie de Bouddha, rien qu’en levant le nez, il apprend aussi/hélas la crainte de l’enfer, que Bouddha, pourtant n’a pas enseignée!
Lorsqu’il aura terminé sa quémande, l’enfant reviendra dans le giron du temple. Avec les autres moines, il prendra son déjeuner. Viendront l’heure des leçons, puis celle des jeux. Sauter et éclabousser les uns et les autres dans les eaux dorées de la rivière Khan qui se jette, un peu plus loin, dans l’imposant Mékong.
Et rêver un instant, devant la lente descente du soleil dans le fleuve assombri, avant de s’en retourner à la pagode pour y chanter la musique sacrée, celle que Bouddha entend, à coup sûr, en son profond nirvana .
Photos: G. Serrière.
La semaine prochaine: Voltaire, François Cheng et le jardinier de Vientiane.
Encore untrès bel aperçu – avec des photos toutes fines – de ce pays et de votre périple coloré à étapes multiples…
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Pareil que Dominique Hasselmann.
(De retour quand ? Un samedi ?)
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Ce petit garçon est bien touchant dans sa fragilité et ce destin qu’il n’a sûrement pas choisi !!!A condition de renoncer à toute sexualité , il n’aura jamais faim et gagnera un statut enviable ,dans cette société très religieuse . On peut juste lui souhaiter que la foi le trouve ,maintenant qu’il a la « sécurité sociale »!…Je pense souvent aux moines converts de nos siècles passés européens …
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Mais peut-être ne faut-il pas comparer. Le petit moine, en question ne passera certainement que quelques mois dans le temple qui l’accueille, peut-être plus, éventuellement pour aller à l’école. Très rares sont les vocations prononcées après le rituel du passage monastique qui remplit une fonction sociale importante. Les sociétés humaines étant ce qu’elles sont, il est probable que certains temples, comme certains établissements religieux ou même laïques, en occident, n’incarnent pas les vertus qu’elles sont supposées enseigner. Mais le danger vient aussi très souvent de l’extérieur. Les temples sont ainsi totalement ouverts, jusque dans la partie privée. Des touristes de tous bords déferlent et se croient au zoo…
Le petit moine évoqué ici, retournera donc à la vie civile, se mariera, aura des enfants, comme nombre des autres enfants qui l’entourent.
La figure de Bouddha qu’ils ont sous les yeux, dorée, très sereine et bienveillante, imprime certainement moins d’angoisses et de turpitudes dans son jeune cerveau que la vision effrayante d’un martyr sur sa croix. Ici, l’enseignement apporté, repose sur les moyens très rationnels à acquérir pour éloigner la souffrance. A l’inverse, l’Occident, masochiste, vénère cette souffrance indispensable à l’ expiation du péché qui définit la condition humaine.
Il n’en reste pas moins que les pratiques superstitieuses (qui n’ont rien à voir avec l’enseignement initial de Bouddha ou de Jésus), sont les mêmes. Mêmes bâtons d’encens dédiés aux idoles de plâtres ou de bois, mêmes supplications…le rituel imposant et la hiérarchie en moins dans les temples.
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Très belle photo.
Un super cadrage.
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