Qu’importe le vent, ce qu’il emporte. La terre, toujours, fera surgir de sa matrice généreuse, l’abri des hommes, ses cathédrales de sable et ses palais de banco rouge. Magnificence des mosquées de Djenné , de Mopti, Venise du Sahel. Beauté plus discrète de celle de Bobodioulasso, entourée de son vieux quartier de banco datant du XI° siècle…Extraordinaires maisons gourounsi , au Burkina, dont les peintures murales renvoient à la géométrie des signes donnant sens au monde quotidien.
L’architecture de terre, pour fragile qu’elle soit, se renouvelle inlassablement. La tradition orale est ainsi. Parce que la parole vole, sa reprise est nécessairement rigoureuse et pérenne. Elle raconte indéfiniment l’histoire de ceux qui ont précédé les vivants. Nos historiens ne font-ils pas la même chose avec l’écriture? Observons, au coeur du Royaume mandingue dont l’étendue englobait la Guinée actuelle, le Mali, le Ghana, une partie du Burkina..le grand roi Soumaoro. Sa légende nous est transmise depuis le XIII° siècle par la même famille de griots , la famille Kouyaté , qui entretient, depuis la même époque, le balafon du roi (le premier, dit-on, apparu sur la terre). Ce balafon historique a 800 ans! Caché et gardé jalousement à la frontière du Mali et de la Guinée, il est l’objet de toutes les attentions.
A la même époque, en France, par exemple, le roi Saint-Louis rendait la justice sous son chêne. N’avait-il pas lui-aussi un griot? Un historien comme on les appelle chez nous, un certain Joinville , dont les chroniques parvenues jusqu’à nous racontent sa légende?
Tradition écrite, tradition orale. Où est la différence?
Notre conception de l’histoire s’appuie sur l’apparition de l’écriture. »L’histoire commence à Sumer » . Certes. Mais en prenant pour absolu l’arbitraire de la datation historique, c’est gommer l’immense patrimoine de la tradition orale trop souvent considérée comme dénuée d’intérêt parce qu’elle semble invisible. Il faut réfléchir à cela pour que soient évités les discours arrogants de certains princes blancs dépourvus de tout bon sens et de culture.
La tradition orale, dans sa vocation de transmission, n’est nullement un fatras approximatif de paroles volantes, c’est un legs précis, rigoureux, codé, qui, protégé, fait entrer les hommes dans l’histoire en présentant l’essentiel, c’est-à-dire, on le sait bien, ce qui est invisible pour les yeux.
Photos 1 et 2: G Serrière. Mosquée de Bobo-Dioulasso , petite mosquée des champs.
Dans la transmission orale de père à fils ou de mère à fille, il ne faut pas de césure, pas d’interruption. Nous, occidentaux, avons perdu cette faculté de transmission, pour les blancs les paroles s’envolent et les écrits restent, nos frères africains, eux, n’oublieront pas, quoi qu’il arrive…
Merci pour ce billet plein de sagesse.
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Oui, il y a sans doute plus de poussière et d’abandon dans un palais national français que dans cette petite mosquée des champs… Belles images et réflexions reposantes…
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Les façades ont leur langage, leurs codes, leur signifiant.
Les colombages ne sont-ils pas dialecte?
La tradition orale, toute une bibliothèque portative: il suffit d’écouter, de prendre le temps d’écouter et il y a temps pour cela. Tout a dû débuter ainsi… L’écrit libère l’esprit, certes, mais qu’avons-nous perdu? Le rythme, l’émotion, les intonations, l’histoire, chaque fois réinventée.
Très belles tes notes, Chantal. Merci de cette anthologie!
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Merci à vous qui avez reçu ces lettres africaines et les avez encouragées. Très sincèrement. L’Afrique intéresse si peu de monde! La fréquentation du blog a baissé de moitié depuis qu’elle y tient le haut du pavé. Mais quelle importance?
Demain sera le jour de la dernière lettre. Retour. Il me faudra d’abord atterrir avant de reprendre le fil de nos conversations autour de l’écriture sous nos latitudes.
A demain, donc.
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La comparaison entre l’architecture de terre et la tradition orale est particulièrement pertinente, jamais je n’y aurais pensé!
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