Richard Millet n’est pas un écrivain complaisant. Admiré et craint (cf le billet de P. Assouline ), il ne mâche pas ses mots pour fustiger la comédie humaine et…littéraire de notre « époque enténébrée ». Pourtant l’écriture, selon lui, peut être bien autre chose. Ecoutons-le un instant:
« Ecrire est un savoir ombreux. Sa lumière est incomparable. Il est singulier d’écrire dans une époque barbare. Il l’est bien davantage de considérer l’enténèbrement du monde qui résulte non seulement de l’obsolescence des formes littéraires mais de la mort de la langue qui nous a constitués et dans laquelle la littérature n’aura pas été que l’exercice d’un pouvoir temporel ou une figuration romantique mais une vie d’homme tout entière vouée à une tâche où j’aurai accepté sans regret, avec ferveur, voire dans la joie de ce qui me détruit tout en me gardant en vie, de n’être qu’un appel éperdu de sens. »
Un entretien avec Richard Millet sur « l’Express livres »
Richard Millet est publié entre autres, chez P.O.L , également chez Gallimard,..
Illustration: photo Guy Serrière, lumière dans la forêt du Jura
Maizalors, que penses-tu de l’homme, Chantal ? Admiration ? Questionnement ?
Ne connaissant pas Millet (c’est pas lui l’Angélus ?) j’ai lu attentivement le billet d’Assouline et l’entretien avec Beigbeder (que je n’apprécie pas, au passage). Je n’arrive pas à trouver Millet sympathique (ça n’est peut-être pas le problème d’ailleurs). Je retiens son élitisme et son côté gardien du temple seul sur son radeau de Belles Lettres. Alors qu’en penses-tu ? Ma vision est sûrement trop schématique, vu que je m’exprime sans avoir lu ses livres.
Kiki
PS : la photo de Guy est superbe !
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Eh bien, Kiki, je pense vraiment la même chose. Insupportable le côté élitiste. Complètement à côté de ce que je pratique et considère au sujet de l’écriture qui ne serait réservée qu’à certains élus.
Je me situe aux antipodes de cette conception.
Il n’en reste pas moins que la lecture de « Ma vie parmi les ombres » par exemple, est un grand moment. Le parti pris de la phrase longue, sa complexité vont à contre emploi des courants dans l’air du temps. Et quelquefois, ça repose!
Et puis, la minutie narrative de cette descente patiente dans les méandres des relations familiales vaut bien le temps nécessaire à parcourir ce long récit.
Enfin, l’ exaltation du personnage, comme une lame à vif toujours prête à couper, séduit aussi, parce qu’on pressent chez lui, une sorte de candeur à s’idolâtrer soi-même au prix d’un labeur constant et justement parfois récompensé par cette dimension lumineuse de l’écriture. Notion que je voulais évoquer dans le billet.
En bref, peut-être que je lui pardonne tout ce qui m’est habituellement insupportable, parce qu’il écrit bien. Parce qu’on ressent, à le lire, le souffle véritable d’une respiration humaine.
Une écriture si éloignée du show- biz
Dommage, en effet, que l’homme soit si imbu de lui-même et si intolérant!
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Il a écrit une très belle trilogie – La gloire des Pythre, Lauv le pur, et j’ai oublié le troisième – qui est à ranger (enfin moi je le rangerais, si j’avais une bibliothèque) avec les livres de Pierre Michon. C’est certes une très belle littérature mais il devrait en effet, lui, se taire, ou refuser les entretiens : ce qu’il dit est beau mais maniéré et prétentieux. Et puis il n’a pas peur des lieux communs… Il le sait, il veut bien être méprisé par nous, car il croit exister pour la postérité. Mais il oublie qu’un Julien Gracq avait déjà la même posture dans les années cinquante, qu’avec lui l’histoire bégaie, c’est-à-dire qu’elle se parodie elle-même. C’est lui qui a dit : « Interdisons les blogs », non ?
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