Katherine Mansfield: Au pays où les femmes inventent la modernité

«Je veux être tout ce que je suis capable de devenir»

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Belle devise quand on naît femme, à la fin du XIX° siècle, (1888), qui plus est, en Nouvelle Zélande, ce pays du bout du monde que l’Europe imagine peuplée de moutons et de colons rustiques, sans parler de ses tribus d’autochtones exotiques qu’on appelle les Maoris!

Ah, les stéréotypes! Les préjugés, les idées reçues!

Pour être un pays reculé au regard de l’implantation occidentale, la Nouvelle Zélande s’inscrit pourtant dans la modernité avant même le tournant du XX° siècle. Elle donne le droit de vote à ses citoyennes…en 1893!

En fait de colons rustiques, les premiers arrivants anglais sont plus des fermiers expérimentés que des aventuriers et les Maoris ont eux-aussi une histoire que transmet la tradition orale.

Mais revenons à Katherine Mansfield:


Katherine Mansfield, Kathleen Beauchamp pour l’état civil, naît donc le 14 octobre 1888 à Wellington. Elle publie son premier texte à l’âge de neuf ans.

Pour elle, on le voit, tout est réalisable: («Je veux être tout ce que je suis capable de devenir»), à partir de ce pays où le sens de la modernité court apparemment plus vite que sur le vieux continent… qu’elle rêve toutefois de rejoindre.

A 15 ans, elle part ainsi étudier à Londres et publie à la même époque les premiers écrits sous le nom qu’elle emprunte à la grand-mère l’ayant élevée.

Peu étudiée en France, l’oeuvre et la vie de K. Mansfield sont pourtant riches d’une grande ouverture à la modernité. Jeune femme libre ayant peut-être la prescience d’une trajectoire-éclair (elle meurt de la tuberculose en 1923, à l’âge de 35 ans), elle vit sur le mode du désir assumé. Son désir d’écriture en effet, ne se démentira jamais. Ses pages les plus célèbres naissent au plus profond de la maladie qui la ronge.

« L’influence de Tchékoff est très grande et très visible sur Katherine Mansfield, écrit Edmond Jaloux (qui l’a rencontrée et a préfacé  » La Garden Party » dans l’édition du Livre de Poche en 1969), et l’influence de Maupassant a été très grande sur Tchékoff qui le nomme plusieurs fois dans son oeuvre, et en particulier dans « La Mouette », comme Katherine Mansfield nomme Tchékoff dans « Félicité ».

A vous de découvrir ou de redécouvrir à travers Katherine Mansfield cet univers immense et minuscule qui compose nos journées ordinaires. Car quels qu’en soient le cadre ou l’époque, ses nouvelles parviennent à restituer l’émotion de l’instant, l’intemporalité de nos petites musiques intérieures:

Et « La plus belle, la plus parfaite de ces oeuvres brèves, écrit encore E. Jaloux, je crois bien que c’est sur « Sur la baie« . Le mystère des créations les plus profondes se détache de ces incidents si menus, si quotidiens. Rien ou presque rien: l’atmosphère à peine éxotique de la Nouvelle zélande; deux hommes qui se baignent; la joie des femmes entre elles quand le mâle a quitté la maison; les enfants, les animaux, les fleurs, un homme tendre et malheureux, qui a perdu sa vie, que son bureau attend, et sa plainte discrète; la mère qui ne comprend pas son enfant et qui soudain se sent prise aux entrailles par quelque chose qu’elle comprend à peine; une journée tranquille et douce qui s’en va…une journée qui ne reviendra pas… »

Demain, je vous offrirai l’ouverture de cette nouvelle: le passage d’un berger et de son troupeau sur une grève de Nouvelle Zélande, juste avant le lever du soleil. Dans la fraîcheur de l’herbe bleue, vous le regarderez apparaître, précédé de son troupeau, puis s’effacer…

Fugacité de la scène. Comme notre vie, si intense et si brève.

5 commentaires sur “Katherine Mansfield: Au pays où les femmes inventent la modernité

  1. Ah, me voilà obligée de commander à la fn*c.com ce « Sur la baie » que je ne connais pas ! Si vous nous encouragez à aimer les trucs beaux, jusqu’où cela s’arrêtera-t-il …?
    Vivement demain. 🙂
    Kiki

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  2. C’est vrai. Virginia Woolf l’admirait. On dit même qu’elle était le seul auteur contemporain pour qui elle éprouvait de la jalousie.
    Elles ont toutes les deux transposé, sans le théoriser, de manière presque instinctive et subtile, ce qu’on appelle « monologue intérieur ».

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  3. Du même pays (je crois) votre note évoque pour moi une cinéaste à la sensiblité à fleur de peau, Jane Campion. « La leçon de piano » m’a laissé un souvenir d’émotions.

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  4. C’est bien que vous l’évoquiez. Justement, je viens de voir que France 3 programmait le film de Jane Campion, demain soir.
    Une occasion de s’imprégner de la beauté extraordinaire des paysages néozélandais.
    Une autre fois, l’évocation de Jane Campion sera l’occasion de parler de l’écrivain Janet Frame avec le très beau film « Un ange à ma table ».
    Et aussi un autre jour de cet autre très beau film dont on a si peu parlé en Europe, « Whale rider » (traduit en français par « Paï ») d’après l’ouvrage de l’auteur maori, Witi Imahera.

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