Que serait l’art sans métissage? l’écriture sans référence, la peinture sans l’empreinte de nos lointains ancêtres aux parois de leurs abris, la musique de Mozart sans l’oeuvre de Bach ?
Le mot métissage vient du mot latin mixtīcius, < mixtus qui signifie mélangé/mêlé. Il désigne ainsi le mélange de deux éléments distincts. On parle de métis pour des tissus (ex. toile métisse), des métaux (ex. fer métis) et même, pour des mots. Ainsi en est-il de la langue. La langue française, en particulier, est totalement métissée, constituée en grande partie de racines grecques, grecques « romanisées », latines, arabes, celtes, etc.
À partir du XIII° siècle, le mot renvoie au croisement de deux espèces animales ou végétales différentes (un mestis). Mais il faut attendre 1615 pour que le mot « métice, emprunté au portugais, se mette à désigner une personne née de parents européens et « indigènes », lors de la colonisation.
Les tableaux naïfs de l’époque en témoignent!
(d’après Wikipedia).
Pour en revenir à l’écriture, Marguerite Duras rapproche, elle, le métissage de ce qui se passe pour qui est en train d’écrire. Elle dit:
« Le métissage, comme l’écriture, c’est l’inconnu de soi qui fascine et que l’on veut rejoindre : » […] écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, […] d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d’en perdre la vie » (Marguerite Duras, Écrire, Paris,Gallimard, coll. » Folio « , 1993, p.52) E. Poulet : Fabula: « Duras entre deux mondes ».
Dans le domaine de la création musicale, l’attitude de Mozart devant l’oeuvre de J.-S Bach tient du même phénomène. Lors de la découverte émerveillée de la musique de Bach, le très jeune Mozart commence par recopier les pièces entendues, puis il transpose les partitions pour clavier en partitions pour quatuor à cordes. Peu à peu, il mêle les influences, savant métissage, à son propre génie
Pour avancer dans le temps, le country-blues, musique très populaire dans l’Amérique rurale, est également le produit du métissage entre la musique apportée par les Irlandais au XIX° siècle , et le blues des esclaves noirs américains.
La peinture n’est pas en reste. On se souvient, pour raccourcir le propos, que Picasso emprunte le masque africain et fonde tout un courant de la peinture contemporaine. Nombre d’expositions à travers le monde ont retracé depuis ce fécond métissage.
Plus près de nous,
le tableau de Pilar Lluch intitulé « Ecritures du monde », (cf reproduction à gauche), renvoie également aux signes premiers de l’écriture et à ceux interceptés aujourd’hui: Il s’agit d’un métissage à travers les cultures et le temps.
Le peintre Alain Laborde , dont le très beau site est à visiter présente la même démarche: « Alain Laborde célèbre le pluralisme des langues, le mélange des arts et des cultures, sur le fécond métissage des sangs. Empruntant au bestiaire de l’Antiquité et du Moyen-Age, l’artiste invente aujoud’hui une modernité bigarrée et ludique. »Bernard Lafargue, Université de Bordeaux III (Correspondances, n° 5/6 , 1993).
http://www.cepdivin.org/persos/laborde/presse.html
Ainsi en est-il du tissage des fils quotidiens de l’écriture. Ce verbe tisser, en effet, issu du latin texere, désigne le fait d’entrelacer les éléments de la chaîne et de la trame pour obtenir le tissu… ou la page. L’activité est si proche du verbe mêler!
Sans nul doute, à tisser le tissu des mots qui font la toile de l’écriture, chaque écrivant, pour modeste qu’il soit, s’inscrit dans cette geste du métissage qui permet à l’aventure humaine de se déployer au delà des déterminismes.
Beau billet tissage, tressage et qui me fait penser au blog de Madame de Keravel, grande joueuse de mots sur un mode léger, connaisseur et décoratif : http://laminute.canalblog.com/archives/avec_la_langue/index.html
L’oeuvre de Laborde ici représentée me plait beaucoup !
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Oui. Merci. très joli ce site.
Je vois que ma présentation n’est pas au point. Le tableau représenté ici n’est pas de Laborde, mais de Pillar Luch.
Je n’ai malheureusement pas encore négocié la possibilité de reproduire un tableau d’Alain Laborde ici. Il spécifie dans son site qu’il est interdit de le faire sans son autorisation.
Evidemment, en apposant le texte concernant les deux peintres à côté de la reproduction de P Lluch, cela prête à confusion.
D’où l’intérêt de votre remarque qui réattribue à César ce qui est à César.
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Un brin de culture de tissage en métissage.Merci à vous -CJM*
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Alors, bravo Pillar (pour César, il récupère tout le temps ses affaires finalement…)
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N’oublions pas qu’aujourd’hui, 20 mars, nous célébrons la Journée Internationale de la Francophonie où les métissages sont aussi multiples.
A bientôt.
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C’est vrai , François !
Derrière la machine francophonie, on oublie qu’il y a des cultures, et surtout des hommes et des femmes et d’autres langues métissées.
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tissages et métissages, avec commentaires sur le mot, sur mon blog, mes tissages, si vous avez le temps d’y faire un saut : vietdom.blog.lemonde.fr Merci pour la jolie note en tous cas!
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C’est toujours bien intéressant chez vous …j’aime beaucoup l’oeuvre de Pilar Lluch. A bientôt
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Cet article ouvre des pistes, merci…
Autre métissage musical, la Bossa nova (le Brésil donc), qui incorpore le jazz, élément de la culture nord américaine, au rythme de la samba…
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Merci pour les informations.
Pouvez vous me dire ou je pourrais trouver une analyse assez complete du tableau
de Pilar Lluch
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