C’est l’histoire d’une rencontre. Entre trois artistes.
Un poète italien du XIII° siècle. Un jeune peintre contemporain de 82 ans. Un compositeur non moins contemporain, dont l’âge n’atteint pas… 23 ans, au moment de cette rencontre!
Comme si l’âge, d’ailleurs, dans cette histoire était d’une quelconque importance!

Le jeune peintre, donc, s’appelle Bernard Braillard et vit à Lons-le Saunier, dans le Jura.
Il peint certes la lumière de cette région, les dégradés bleus des forêts de sapins, le clocher du village de Saint-Maurice, mais aussi, et surtout, la couleur des îles Canaries, le contraste de leur luminosité violente avec le sable noir des plages. Il travaille à des collages où la matière superposée se joue de la profondeur du thème.
Le compositeur, lui, se nomme Pierre-Emmanuel Kuntz. Il a été l’étudiant de Jean-Paul Montagnier , à l’université de Nancy et a écrit pour un ensemble vocal inspiré ayant pris pour nom « La Chartreuse de Bonlieu« dont la lumineuse Claude Braillard, poète et l’une des sopranes du groupe, a été l’initiatrice. Codirigée par J. P. Montagnier et Françoise Bergère, professeur au lycée Jean Michel de Lons-le Saunier, la Chartreuse de Bonlieu apporte tous les étés un supplément d’âme au public jurassien qui l’attend. Pierre-Emmanuel Kuntz a donc écrit pour ce groupe un…Stabat Mater !
Vous avez bien lu ! Un Stabat Mater.
Je rappelle, pour qui l’aurait oublié, que Stabat Mater est un long poème composé au XIII° siècle, par, croit-on, le moine italien, Jacopone da Todi. Il y exprime sa profonde compassion pour la douleur éprouvée par Marie devant son fils crucifié. En quelque sorte, il dit… l’indicible. Et l’empathie de ce moine poète est si vraie, si limpide et si dépourvue d’afféterie décorative, qu’elle offre des mots universels, intemporels, à la désolation de toutes les mères, interdites, devant l’enfant qu’on vient de leur ravir.
Comment Pierre-Emmanuel Kuntz, rivalisant avec Palestrina, Haydn, Vivaldi, Dvorak et les autres, a-t-il pu, en ce soir d’été 2004, nous émouvoir aux larmes avec sa musique chantée avec ferveur par le groupe de « La Chartreuse de Bonlieu », reste encore de l’ordre du mystère. Sans doute, Jean-Paul Montagnier, le savant, lui dont les patientes recherches pour exhumer la richesse du patrimoine vocal en France au XVII° et XVIII° siècle viennent d’être reconnues, sans doute saurait-il nous expliquer en quoi cette musique, reprenant la tradition des Stabat Mater qui l’ont précédée, nous précipite dans le ressenti de notre époque contemporaine et fait jaillir les images trop quotidiennes d’enfants morts sous nos yeux en des combats si vains !
Bernard Braillard alors, a capté avec son pinceau l’émotion provoquée. L’ombre consolatrice de l’enfant qu’on a tué, s’élève. Jusqu’à ce glorieux pansement d’or, l’apaisement, au-dessus de sa tête. Et ses bras, démesurés, où s’accrochent des lambeaux de plaintes humaines, accueillent dans la nuit bleue du geste, toute la douleur du monde.
Un très beau tableau. Mais vos explications étaient nécessaires (avant de vous lire j’avais cru qu’il représentait autre chose). Ce qui n’enlève rien à sa force.
J’aimeJ’aime
Oh! Mater dolorosa.
Si nous n’étions pas au concert, nous en avons des notes poignantes par ton récit et une vision sublime par ce tableau. Merci de nous faire si bien partager tes émotions.
J’aimeJ’aime
Oui, merci, Brigitte. C’est vrai. Parfois l’analyse rationnelle est différée et les choses se placent sur le plan de l’émotion.
Dépourvu de connotation religieuse, le ressenti lors de ce concert (pour ce qui me concerne) était particulier, je l’ai dit « de l’ordre du mystère », et renforcé encore à la vue de ce tout jeune compositeur, (23 ans! je viens de le préciser dans l’article où je l’avais un peu vieilli), réservé et timide, venant saluer le public étonné.
Il n’est donc pas surprenant que la sensibilité du peintre Bernard Braillard, ait su, à sa manière, capter cette émotion.
Le titre « Correspondances » de l’article, renvoie bien sûr au poème de Baudelaire qui traduit la rencontre des sens, ce qu’on appelle « synesthésie »et que les artistes à travers leurs disciplines mêlées nous offrent à vivre dans leurs oeuvres
J’aimeJ’aime
Voici un artiste que je vais m’empresser de découvrir.
A bientôt.
J’aimeJ’aime
Correspondances infinies. Ici peinture, musique et poésie. Il faut y ajouter l’auteure de la note qui nous propose son émotion: autre correspondance. Et tous les crucifiés de chaque jour cloués à la fenêtre de nos écrans, à la une de nos journaux, multipliés, exposés, et dont les mères répètent inlassablement interminablement les gestes les cris les pleurs que l’on entend dans le Stabat Mater. Les correspondances sont infinies.
J’aimeJ’aime
Chère Chantal, Vous me faites trop d’honneur à vouloir faire croire que je suis capable d’expliquer l’émotion dégagée par la musique de Pierre-Emmanuel Kuntz. Si l’écriture musicale de son « Stabat Mater » est irréprochable sur le plan technique, cela ne suffit pas! La conviction des membres de l’Ensemble vocal de la Chartreuse de Bonlieu non plus. Probablement que Pierre-Emmanuel Kuntz, tel un Beethoven écrivant sa « Missa Solemnis », a su écrire du coeur pour le coeur (et le choeur). Sa partition, publiée chez Carus-Verlag (Stuttgart) est maintenant chantée aux Etats Unis! Voilà un bel avenir qui s’ouvre à cette belle oeuvre!
J’aimeJ’aime
Quelle magnifique nouvelle vous nous apprenez !
Le mystère de l’émotion suscitée par l’oeuvre de Pierre-Emmanuel Kunst subsistera donc . Et c’est très bien ainsi. Vous l’expliquez toutefois très bien : ‘ »…écrire du coeur pour le coeur (et le choeur) ».
Merci pour ce petit mot.
J’aimeJ’aime
Vous avez tous senti la grandeur de cette peinture que je dirai, pour moi, figurative malgré cette force d’abstraction. Je souhaiterais en connaître ses dimensions si ce jeune homme de peintre acepte de communiquer sur ce sujet.
Je sens cette présence multiple; j’imagine, au premier plan une foule debout, figée de stupeur, au second plan, lumières actuelles, géométriques et presque indifférentes. Puis, ce personnage crucifié étendant des bras immenses entre ciel et terre dans un geste d’accueil dominé par le visage d’une femme, jeune encore et doublement crucifiée par sa douleur et par celle de son fils. C’est une oeuvre sombre dans le ton mais qui va s’éclaircissant vers le zénith et c’est bien ce que l’on peut ressentir en écoutant l’oeuvre de Pierre-Emmanuel Kuntz, comme dans cette peinture si bien construite; Merci à PEK, merci à Bernard, merci aux musiciens de « La Chartreuse de Bonlieu » que j’ai eu le plaisir d’apprécier. Merci aussi à J. P. Montagnier et à F. Bergère ainsi qu’à tous les musiciens ayant déjà chanté ou qui chanteront ce Magnifique Stabat Mater de PEK.
J’aimeJ’aime
Mon neveu restera pour moi un mystère!!!
Quelque part, je reconnais en être très fier
A ton image PEK , et de son Stabat Mater
On ne peut que saluer l’Art et la Manière.
J’aimeJ’aime