Brigitte Mammano, a grandi en France, à Strasbourg et en Provence. Elle vit depuis son mariage dans le Piémont, en Italie et possède cette richesse de pouvoir vivre et comparer au quotidien ces deux cultures qu’elle revendique.
Pour répondre au jeu des nouvelles sur le thème « Cafés d’Europe, cafés du monde…y compris les maisons de thé en Chine! » lancé sur ce blog au mois de décembre, elle nous offre aujourd »hui son Café « au parfum ».
Le Café au « parfum«
Par Brigitte Mammano
La ville, les avenues, les rues, les boutiques, les cafés de Rome me fascinent. J’ai décidé de m’octroyer un après-midi où tout ce que je ressentirai devra me faire plaisir.
Dans la rue faisant face à la Trinité-des-Monts, je me laisse guider par un parfum. Non, ce n’est pas un parfum de parfumerie, ni un parfum de ces rayons de supermarché qui sent le produit chimique à l’odeur de savonnette à la pomme verte ou à la fraise écrasée! Bien loin de tout cela, c’est autre chose qui se réveille en moi, sollicitant dans ma mémoire un bien-être à la fois mental et gustatif. Plus j’avance et plus ce parfum devient précis et insistant. Je me laisse guider. Me voici devant la porte qui a laissé s’échapper ces effluves si pénétrantes: le café Greco
A l’intérieur, malgré la lumière vive de cette heure de la journée, les lustres étincellent. Assise sur la banquette de velours bordeaux, je suis là, en avance sur l’horaire convenu avec les deux amies qui doivent me rejoindre. En face de moi, de magnifiques glaces tapissent le mur, du plafond jusqu’à mi-hauteur de la paroi. Ces miroirs ternis par le temps reflètent faiblement mon image tout en se reflétant elles-mêmes à l’infini. Leurs encadrements sans doute peints à la feuille d’or, d’un brillant élégant comme il était de coutume à une certaine époque, confortent le luxe du décor. Leur chatoiement s’harmonise si bien à celui du velours bordeaux. Les tentures et la tapisserie moirées dans les tons cramoisis ravivent l’ensemble. Je suis bien.
Velours rouge tel un petit théâtre, oui, comme au théâtre, mieux : C’est le théâtre!
Rien de mieux que d’observer et écouter lorsque l’on est seul. Ecouter… « Ecouter » en italien se dit « sentire ». Un mot extraordinaire car le même mot s’emploie pour définir le goût d’un aliment et c’est toujours le même mot qui traduit les perceptions olfactives.
Mon esprit en quête de curiosité suit avec grand intérêt les murs où les miroirs reflètent des scènes bien réelles puis laissent place à des tableaux représentant des scènes agrestes, pastorales, des personnages de la mythologie, semble-t-il, des ruines romaines, des ponts, des lacs aux eaux paisibles. Mais dans certaines peintures, les sujets sont difficiles à distinguer car le temps a assombri les couleurs. Puis les tableaux disparaissent et voici sur une paroi à fond vert-gris, inscrits à l’intérieur d’encadrements en stuc blanc, des médaillons dont les sujets s’apparentent aux tableaux précédents. Devant moi une jolie table ronde au plateau de marbre gris-vert. Son piètement en bois avec ses applications sculptées en métal doré rappelle le début des années 1800. Ces petites tables n’accueillent qu’une ou deux personnes, exceptionnellement trois. Nous serons trois.
Je savoure le moment. L’attente. Mes amies vont arriver. Nous allons mettre sur pied un projet ambitieux: une nouvelle association des Français à l’étranger. Aussi, devant l’ampleur et les difficultés de la tâche, avons-nous bien choisi l’endroit adapté pour les aborder.
Le va-et-vient des garçons de café dans leurs costumes noirs dévie mon attention. Les plateaux odorants chargés de petites tasses de café « ristretto o corretti « *, de pâtisseries, de vraies glaces italiennes, et non » à l’italienne » (comme on le dit en France pour désigner ce produit mou qui coule de machines automatiques), et parfois de grandes tasses de chocolat émoustillent mon odorat. Tout me tente à travers ces parfums révélateurs de tradition gastronomique.
Ce mélange d’odeurs si alléchant est tout à coup dérangé par un autre parfum qui vient pratiquement supplanter les premiers de façon autoritaire et me met presque mal à l’aise. Oui, il s’agit d’un parfum lourd, un parfum de grande qualité, capiteux, voire entêtant. En somme, un « must » de parfumerie que je ne peux attribuer qu’à cette jeune femme, brune, élancée qui passe à côté de moi, sans me voir, accompagnée d’un homme aux abords de la quarantaine, chargé de paquets aux noms de marques célèbres qui ne font que confirmer les emplettes faites dans les magasins adjacents de cette rue commerçante haut de gamme.
Deux amoureux. Je les suis du regard. Un beau couple, pensai-je, plus par leur taille que par leur beauté en elle-même.
Ah! Enfin voici mes amies. Arlette et Annie, sourires aux lèvres, prennent place à côté de moi sur la banquette. C’est plus confortable qu’une chaise! Le garçon de café s’empresse d’ajouter une autre petite table. Les commandes de gourmandises passées, nous entrons dans le vif du sujet. Le statut… Le comité directeur… Tout en proposant et répondant à leurs questions, je laisse mon regard se poser sur ce couple d’amoureux aperçu auparavant. Il s’est installé derrière nous, dans le petit salon du fond, à l’abri de nos regards, mais je peux parfaitement l’observer, en face de moi, par l’intermédiaire de la glace.
Sont-ils mariés? Il ne me semble ne pas voir de scintillements à leurs doigts. Mais a-t-on besoin d’alliances pour vivre ensemble? Ont-ils des enfants? Que se disent-ils, lui penché vers elle.
-Oui, il faut définir les charges des responsables….et . Mon regard repart en direction des amoureux. Curiosité ? Indiscrétion? Non, loin de là. C’est tellement réconfortant de voir des gens qui s’aiment et de les imaginer fidèles ! Mais ils semblent tout à coup bien fatigués. Ils sont inertes, silencieux. Disputes d’amoureux?
– Combien de personnes composent un comité directeur? me demande Annie.
-Leur nombre est proportionnel au nombre de membres…dis-je.
Un mouvement au fond du miroir me fait tourner les yeux. Le jeune homme est maintenant un peu plus incliné vers la jeune femme, il va l’enlacer, il va l’embrasser et ils vont faire la paix. Mais non, il a placé ses deux mains derrière elle. Sa position est surprenante. Peut-être compte-t-il de l’argent pour lui offrir la consommation avant de partir?
Cette attitude durant plus qu’il ne faut et me semblant de plus en plus étrange m’attire plus que le « comité directeur » et je fais signe à mes amies de regarder avec moi dans le miroir.
C’est l’affaire de quelques instants. Rapidement le jeune homme remet dans sa poche quelque chose qui n’est ni un porte-monnaie, ni de l’argent mais un petit papier blanc. Il passe sa main plusieurs fois sur son nez, puis se penche à nouveau, légèrement cette fois, vers sa compagne et, comme il l’a fait pour lui, effleure de sa main le nez de la jeune femme à plusieurs reprises.
Nous nous regardons sans trop oser comprendre. Avant que je ne formule la question que nous nous posons à présent toutes les trois, Arlette revient à la préoccupation qui nous a réunit dans ce lieu : Comment trouver les membres du comité directeur? Chacune donne son avis, puis nos regards glissent vers le miroir.
Notre couple d’amoureux s’anime et reprend de la vivacité. Ils ont l’air guilleret, maintenant. Ils appellent le garçon pour régler leur consommation, puis passent devant nous. Mon regard croise celui de l’homme. Je n’ai plus besoin de poser ma question.
Le parfum du café est bien celui que je préfère.
* -Ristretto = expresso
-Corretti (alla grappa) = café « arrangé » avec une goutte d’alcool (genre armagnac ??? NO)
superbe…
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Joli! Rome, la Trinité-des-Monts, le café, un parfum qui danse dans l’air de midi. Très belle et sensible écriture dégustée en penant le café. Il est 14 H 48!
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C’est quand même autre chose que de prendre son café en
deux minutes sur le bord du zinc. (Pierre tu retardes il est 16h54)
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Ha! Rome, ville magique où je me promenais encore il y a quelques jours…
Arrivederci,
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que j’aimerais en cet instant être assise sur cette banquette de velours cramoisi et laisser mon regard se perdre à l’infini dans les miroirs ternis!
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Un souvenir de l’an dernier, déjà: un café viennois (bien sûr!), au café Mozart. Magnifique théâtre, hors du temps!
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Merci Brigitte et bravo .
Belle réussite pour une première et tous mes encouragements pour la prochaine.
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A signaler un très bel article sur le café dans Wikipedia sicilien.
On y remarque toutes les diverses manières de préparer le café :
. Café espressu
. Café ammacchiatu
. Café scumatu
. Café longu
. Café ristrettu
. Café currettu
. Café dicafinatu
. Cappuccinu
. Cafélatti
. Café missicanu
. Café â miricana
. Café d’oriu (‘n sensu latu ca nun utilizza chicchi di café ntâ sô priparazzioni)
. Café marucchinu
. Irish coffee
. Café « du campanard »
. Café « valdotaine »
A Paris, si l’on est italien et que l’on veut vraiment un ristretto, mieux vaut demander un café « serré » qu’un expresso, qui est le café standard.
Amicizia è @ prestu
Y T (le compagnon et webmestre d’Angèle à qui vous avez rendu visite tout-à-l’heure)
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Voilà des précisions qui nous permettront de passer commande en toute circonstance.
J’en profite pour signaler le blog littéraire (déjà très expérimenté), d’Angèle.
http://terresdefemmes.blogs.com
Passionnant
Nous en reparlerons.
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La plateforme Typepad est provisoirement indisponible. Au niveau mondial semble-t-il.
A demain peut-être…
Y
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