Goethe disait de de l’architecture qu’elle était une musique figée.
Belle image!
Marcher dans la ville, suivre le rythme des façades, des arcades, des fenêtres et portes, écouter l’enchaînement de l’orchestration urbaine au fil des rues, des balcons et des toits, en accord ou non avec les pulsations du coeur…
Osons transposer la métaphore au domaine littéraire.
Est-ce ainsi, lecteur ou écrivain, qu’il vous arrive d’aborder le livre? Entrez-vous de cette manière dans la musique des pages, musique vivante ou figée, apparente ou secrète?
L’obsession de la forme, du renouvellement, de l’adéquation aux exigences des modes et des attentes médiatiques, peut-elle tuer l’écoute de cette musique intérieure que trahit la respiration créant la longueur de la phrase, ses interruptions marquées par l’emploi de la virgule, la sonorité du mot en écho aux vibrations du corps?
On n’écrit que si l’on est à l’écoute de sa propre parole, de son propre rythme, comme un sourcier partirait à la recherche de la source probable et cachée. Le reste est affaire de captation et de transcription. D’empreinte. Un autre chapitre à aborder. Un autre jour.
Je trouve très juste la nécessité d’être à l’écoute de sa propre parole. En revanche, pourquoi partir en recherche de quelque chose. L’écriture doit se libérer non seulement de toute forme, mais de tout objectif. La confiance en soi, la confiance en son choix est alors le seul guide. Cette confiance en soi donne naissance en retour à la forme la plus adaptée.
C’est un peu ce que j’écris aujourd’hui sur le regard. Rechercher un lieu précis, un topos littéraire ou géographique, c’est se fermer.
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Oui, bien sûr cela existe. L’écriture pour l’écriture. L’art pour l’art avec pour seul guide l’écoute de cette voix intérieure.
Mais il existe cependant d’autres approches. La contrainte, en art, étant curieusement libératrice.
Mais non, ce qui est sûr, c’est que l’écriture ne « doit » rien. Ni « se libérer de la forme », ni se libérer « de tout objectif. Rien.
L’écriture? Question de désir, de simple désir. De relation à ce désir.
Question d’attitude aussi. La confiance en soi permet certes d’avancer, mais conduit bien souvent aux impasses d’un ego hypertrophié qui conforte à l’infini la contemplation de soi-même. (tellement exacerbée dans notre société médiatique et par une intelligentsia prise au piège de son propre enfermement).
L’humilité dépourvue de toute connotation religieuse, c’est-à-dire, la conscience de la juste place occupée par celui qui écrit au regard de son environnement (lieu, topos littéraire ou géographique) permet en revanche de n’être jamais emprisonné, même au plus profond des espaces clos.
Mais les divergences de point de vue (pour ne pas dire de point de départ), ne m’empêcheront pas de courir à la découverte de votre article du jour. Intérêt renouvelé et confirmé, comme j’en avais averti les modestes lecteurs de ce blog. (cf l’article « Naviguer au fil des blogs ».
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C’est un peu une réponse au commentaire que vous avez laisssé sur mon blog. Je découvre le vôtre avec plaisir. Je m’interroge sur la nécessité d’animer un blog car d’autres et non des moindres le font actuellement, que certains jours, l’envie n’y est pas, que la contrainte est trop forte… Et puis, parler de soi, bien que l’exercice soit narcissique à des degrés divers suivant les personnes, n’est peut-être fait que pour alimenter la curiosité des autres. Moi-même, j’ai choisi de parler peu de moi, de ne pas nommer mes proches et de rester souvent dans des sujets généraux. Au départ, j’avais créé le premier blog, pour parler de la petite maison d’édition que j’anime, n’ayant pas les capacité de faire un vrai site. L’activité de l’édition étant rare (mais ça va repartir dans pas longtemps), il fallait bien que je maintienne une certaine fréquentation pour ne pas le voir mourir, car un bon blog, à mon avis, est un blog lu.
Le vôtre, pour ce que j’ai pu rapidement en voir, est plutôt ouvert sur les autres puisqu’il demande leurs contributions avec des écrits sur divers thèmes. On ne peut pas parler de narcissisme bloggeur, contrairement à ce que dénonce JC Bourdais. Mais, il y a aussi le temps qu’on y passe et cette écriture perdue là-dedans, alors qu’elle pourrait être utilisée ailleurs. Je m’explique, par exemple, depuis hier, je me suis mise comme contrainte de faire un carnet de voyages en février. Chaque jour, écrire, sur quoi ? dessiner ou photographier… Je ne sais pas où je vais dans ce voyage qui me dirige visiblement vers un autre paysage que celui du blog. Alors, double emploi ?
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Voilà un terme qui me va bien « modeste lecteur de ce blog » je ne saisis pas toute la philisophie où l’architecture est une musique figée, mais je fais confiance à son auteur. Cela ne me prive pas d’apprécier avec mon oeil de photographe, souvent en action, l’architecture et son graphisme
de cette photo présentée, par exemple. La vôtre ?
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Musique, parce que rythme, cadence de formes reprises.
Figée, parce que le matériau immobilise ce qui pourrait danser aux frontons des édifices.
Et les textes littéraires sont de même nature, portés par le souffle de celui qui l’écrit et le ponctue ou non.
C’est si vrai que nous ne plaçons pas la virgule aux mêmes endroits, n’est-ce pas ? Respiration personnelle etc..
Merci d’avoir remarqué la photo, prise par Guy, mon mari, dans les rues de Turin.
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La musique est nombres décomptés
L’architecture nombre d’or
Les mots ont leur chant
La phrase porte leur souffle
Le texte devient sonate ou symphonie.
L’architecture guide le regard.
Une partition est d’abord lue.
Et c’est un autre regard, au-delà de l’imprimé,
Qui nous le fait chanter le texte.
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Belle idée que celle de l’architecture comme une musique de l’espace où danseraient les lignes et formes entre ombre set lumière…
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« L’humilité dépourvue de toute connotation religieuse, c’est-à-dire, la conscience de la juste place occupée par celui qui écrit au regard de son environnement (lieu, topos littéraire ou géographique) permet en revanche de n’être jamais emprisonné, même au plus profond des espaces clos. »
Merci beaucoup pour cette phrase qui exprime quelque chose que je pensais sans avoir jamais su, pu, essayé de le formuler. Merci aussi pour « La contrainte, en art, étant curieusement libératrice. »
Je vais arrêter les copier-coller dans ce commentaire, mais sachez que j’enregistre avec ma tête 🙂 !
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Voilà.
Tout est dit. En mots et musique.
Intéressant également l’évocation du nombre d’or dont l’une des nouvelles à venir (suite de « Cafés Fibonacci devrait parler).
Vous devez être un peu devin, en plus des autres dons ?
J’espère que l’inspiration sera là aussi demain soir pour le décryptage de l’énigme de fin de semaine.
Merci aussi au message de Posuto qui est arrivé pendant que je répondais au poème. Rencontrer l’écho d’une parole sincère est très réconfortant.
Et à Corinne dont j’admire la sensibilité dans ses photos et son engagement.
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Bonjour Chantal,
je te remercie de ce commentaire que tu m’as déposé, et je découvre chez toi un blog passionnant et instructif !
je ne vais pas être à même de chercher l’énigme du jour, ce sera pour une autre fois.
Cette photo dans les arcades est un bel exemple de la poésie qui peut émaner, même des artefacts les plus banals qui croisent notre quotidien.
Il faut encourager l’émerveillement et la curiosité, qui contribuent à notre liberté de percevoir et d’apprécier.
Bisous
YVES
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Merci pour ce joli commentaire.
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L’architecture est une musique figée pour Goethe.
Le point commun entre les deux est le rythme et la photographie des arcades de Turin le souligne bien, avec cette croix d’apothicaire qui fonctionne comme un coda en se reflétant sur une vitrine.
Ce rythme musical, on le retrouve dans les architecture les plus contemporaines, comme celle de Christian de Portzamparc notamment.
Je viens de lire dans la république des livres une remarque sur Erza Pound dont les textes sont comparés par Masson aux architectures victoriennes aux emprunts et pastiches multiples. Evidemment là, il n’est plus question de rythmes.
Plus généralement, le langage représente l’écriture comme une architecture : construction du récit, construction d’une argumentation, construction d’une phrase, sans parler des grands écrivains dont les oeuvres sont des monuments littéraires.
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Merci pour l’appréciation si claire de la photo présentée dans ses rythmes et la projection des clés ponctuant la lecture.
Il faudra que je je relise cet article de « La République de livres », de P. Assouline, car la référence à Ezra Pound m’intrigue.
Ezra Pound a contribué à la création d’un mouvement littéraire vers 1912 en Angleterre, appelé « l’Imagisme. »
L’imagisme s’inscrivait en réaction aux excès de l’expression romantique à l’époque victorienne. trop de sentiments, d’abstractions, et prônait une poésie dépourvue de tout terme abstrait.
Par ce trait, cette rigidité imposée, cette intolérance, des gens de lettres, comme Ezra Pound ont peut-être reproduit des caractéristiques de l’époque victorienne à l’architecture sévère qu’ils voulaient au contraire combattre au départ.
D’où probablement la remarque que vous citez.
Enfin, je présume.
Si Ezra Pound reste une figure pionnière de l’entrée de l’art dans le modernisme, il a été ensuite très discrédité par ses engagements antisémites et fascistes. Il est mort, après de longues années d’internement, en 1972, à Venise.
Il ne me serait donc pas venu à l’idée de le rapprocher du thème de la musique en littérature.
Je partage par contre entièrement votre propos du dernier paragraphe: L’écriture, partition musicale, construction du récit, d’une argumentation, etc… et la métaphore amusée… des monuments littéraires !
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Merci de tous ces renseignements sur Ezra Pound que je ne connaissais pas vraiment. J’ai aussi découvert qu’il s’intéressait à l’économie. Cet intellectuel aux prises avec le concret m’intéresse particulièrement. Merci.
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