Shangaï. Nuit du 21 mars…Un assassinat sous nos yeux.

De l’art d’écrire un incipit:

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Dans la nuit du 21 mars 1927, à Shangaï, un homme, Tchen, s’apprête à commettre un assassinat sous les yeux d’un lecteur interdit. Nous nous trouvons en effet au début d’un célèbre roman: La condition humaine d’André Malraux(1901-1976). Ce procédé narratif d’introduction immédiate constitue ce qu’on appelle un incipit in medias res : nous sommes en effet au coeur-même de l’action dès le début de l’ouvrage. Nous n’avons droit à aucune description explicitant la scène, à aucune présentation des personnages, à aucun élément susceptible d’éclairer la situation. Le style journalistique l’emporte avant tout avec des éléments qui appartiennent au reportage : mention de la date et de l’heure, par exemple, un peu comme dans le roman-reportage des années 30. De cette façon, les événements sont vécus par le lecteur en même temps que Tchen, le personnage.

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« 21 mars 1927. Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L’angoisse lui tordait l’estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n’était capable en cet instant que d’y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu’une ombre, et d’où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même – de la chair d’homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle d’électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l’un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! »

Ainsi commence la Condition humaine paru en 1933 chez Gallimard.

André Malraux obtiendra le Prix Goncourt la même année.

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8 commentaires sur “Shangaï. Nuit du 21 mars…Un assassinat sous nos yeux.

  1. ah ! j’ai lu ce livre en terminale et ça m’avait retournée comme un crêpe. Ce début était vraiment une nouveauté pour moi, plus habituée aux stendhal et autres classiques de ce genre.
    télescopage amusant, je viens de finir « quand nous étions orphelins », de ischiguro, qui se passe en grande partie à Shangai, autour de 1930…
    Etrange rencontres, non, dans les livres, comme le dit kiki.

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  2. Longtemps je me suis… souvenu de l’indécision du personnage quant à l’endroit précis où il convenait d’enfoncer la lame.
    Au dessus du mamelon? En dessous?
    Une image forte, pour le moins…

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  3. Acheté sur le trottoir d’un vide grenier en vieux poche aux pages jaunies, je me suis délecté de ce récit au style incomparable et de cette histoire d’amour dans un contexte révolutionnaire. La trame historique est également très intéressante.

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  4. J’ai mis un grand temps (plusieurs années) avant que de franchir ces premières pages à la lenteur calculée. Un livre culte, à l’époque. Je n’oserais me prononcer pour aujourd’hui.

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